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Revue Traversées. n°81 septembre 2016
La revue Traversées est une revue trimestrielle littéraire (études, poésie, nouvelles, chroniques) fondée en 1993 à Virton, Belgique.
Elle est dirigée par Patrice Breno.
Dans ce numéro 81 ont été publié 5 de mes textes poétiques.
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terre nègre (Haïti)
terre nègre ton chant s'écrit sur les failles
quand la ville pleure sur ses ruines
après le dernier coup d'épaule
terre nègre fertile creuset
d'une république libre
terre nègre meurtrie
par les sabbats vulcaniens
terre nègre violée sous le drapeau
des soldatesques débraillées
des accapareurs
terre nègre au sein généreux
aux enfants tenus à l'écart de leur nourrice
au lait détourné
pour combler les peuples d'outre-océan
terre nègre laissée
poitrine flasque
avec tous ses enfants
pendus aux tétons taris
terre nègre louve jalouse
abreuvant son peuple
du sang de la rage et de la colère
terre nègre maîtresse du soleil
aux cuisses végétales
ruisselantes d'amour
terre nègre grosse de mille mondes
échappant aux sortilèges
le vaudou s'acquitte de la grande redevance
et raisonne des oraisons noires
de sa mère océane
terre nègre amante des ouragans et des déluges
porte sur ton dos tes filles et tes fils
pour les arracher à toute violence
terre nègre sainte au corps offert
toute d'amour unique
mère des fruits
mère des arbres
mère du rhum
au cri de la canne broyée
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la nuit ouverte
jusqu'à l'usure des paupières
sur le dos de ton souffle
le noir
pour écrire sur mes yeux frémissants
les profondeurs abyssales
de l'inatteignable sommeil
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sculpture
d'argile
de flamme
de souffle
le geste
au plus loin du bloc
qui le vit naître
continuité du mouvement
visée
de la main
-sa mère-
du regard
-son père-
arc bandé
écriture sur le vent
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qu’aucune misère ne survienne
le pain roule sur la feuille
brûlée d’automne
entre les bogues éclatées
les mains fouillent les saisons abouties
et conjurent les jours mangés d’ombre
à l’heure de la burle
le gel pourra broyer le pays
sur la table de pierre
quand les greniers craqueront
sur leurs séchoirs remplis
la cave murera l’hiver
sur l’aire brisée de congères
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