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Respirations d'artistes
Quand les artistes et leur art m'inspirent...
Dès les premières rencontres fulgurantes avec l'art, lors de visites d'exposition, de partages avec des peintres, sculpteurs, auteurs, musiciens... mon écriture a tenté de saisir l'essence de mes émotions face à leurs oeuvres, leurs témoignages.
Ouverture du regard intérieur, rendez-vous avec un inconnu fertile et fascinant.
Au fil des années, j'ai engrangé ainsi des textes d'une écriture poétique au caractère différent, empreint de plus de liberté.
Cet espace est dédié à les accueillir...
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Par Daniel Rivel le 7 Août 2022 à 09:31
A Christian Diverrès
Des statues jets, statues pieux, statues repères arrivent au-delà du bois, par-delà la terre, le fer et la cire, au-travers de la couleur et des gravures. A ce rendez-vous qui semble fortuit nous sommes à l’heure, à leur temps pour une rencontre. Chacune a cette marque originelle qui fabrique une unité de leur diversité. Dans l’immobilité s’écrit une ascèse, un mouvement hors du geste. Depuis le feu des couleurs et leurs éclats, leurs empreintes se dessinent un chemin vers la terre et ses teintes de force et de cuisson. Terre brûlée, fumée, du même habit de bure que scandent les dernières arrivées. Une rencontre entre des mendiants en figures et des mendiants d’humanité, et c’est un ravissement. Ou peut-être est-ce seulement une âme rendue à la solidité brute de la matière ? Ces veilleurs auraient-ils une âme ? Nés de la main regard et sang et de l’œil rêves, visions et modelage. L’œil, le regard donneraient la forme, le visage. Leurs visages, ce peu de détails, presque polis dans une matière rude, nous offrent ce miroir où nous retrouvons notre visage et tous ceux que nous portons comme des reflets fragiles.
Bergers des temps de débandade sur les déserts que nous fabriquons, ils semblent voir arriver d’autres temps, d’autres espoirs. Maasaï, peuples bergers de la vallée de l’Omo, coureurs de l’immobile, guetteurs des plaines hauts levés sur une jambe, arpenteurs des pays de longues steppes, mendiants ou rois détiennent-ils les secrets des éléments qui les bâtissent et qui à nous aussi donnent structure ? Chanteurs, leurs bouches closes. Chanteurs au cœur du bois, au centre de la matière, vibration subtile qu’il nous faut décrypter. Certains parlaient d’une voix imperceptible qui m’effleurait et courait sur ma peau et mon regard. Tout en regard depuis leurs yeux intérieurs ils n’ont aucun besoin d’être re-présentés Sur la pâleur d’un visage de peu de gestes. Leur absence illumine ces visages plus réels qu’une image toute pétrie de formes. Sculptures d’élan, d’idée et de parole, gardiennes des plis et des tissus, du fer et des langages gravés sur les chemins d’écho de leurs corps, sur leurs vêtements. Nous répondons à leurs messages par la résonance que répercutent nos corps. Toute la force de l’élan et la sérénité des mots retenus érigés en silence que seuls l’oreille aguerrie et le corps libéré peuvent surprendre. Rêves gravés sur leur peau de métal et de terre, corps rêvant des chemins dans leurs yeux aux frontières de l’absence, dans le regard détourné. Toute une écriture de matière et de couleur comme chant.
Couleurs, lumière comme terre pétrie, pigments revenus sur leurs traces à leur origine. Variations, voyages ouverts à d’autres civilisations, d’autres représentations, transmis par la couleur. Ici, la couleur, signature de l’œuvre, écrit l’artiste et son monde.
Daniel Rivel
http://www.christiandiverres.com
Photographie Christine Rivel-Ruffin
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Par Daniel Rivel le 16 Septembre 2021 à 10:26
En hiver 2019, j'ai eu le privilège de pouvoir assister au travail de recherche chorégraphique et aux répétitions de la création d'Abou et Nawal Lagraa intitulée Premier(s) Pas.
Cette pièce est l'aboutissement d'un programme destiné à donner une seconde chance à des danseurs(ses) n’ayant pu relever certains challenges professionnels au cours de leur parcours. Ces moments se déroulaient dans un édifice du 17e siècle réhabilité et reconverti en studio chorégraphique : La Chapelle Sainte-Marie.
J'en avais tiré une énergie créatrice portée par les corps des danseurs en recherche de cohésion et de beauté.
Un grand merci à Abou, Nawal et tous les danseurs pour leur accueil chaleureux.
n’avoir sur l’espace
qu’un geste inconnu à jeter
jusqu’à l’écriture vraie
un geste d’après nature
sculpture de l’instant
sans cesse revisitée
pour un mouvement mis en chair
et faire histoire de sa fugacité
*****
gestes mis en corps
en extraire une langue
hors de tout phonème
graver dans l’espace
l’émotion
son écriture
de trouble
de colère
d’angoisse
de joie
*****
à chaque descente
au plus dur de soi
aux mémoires du corps
à la recherche d’un éclair de danse
son écho de sueur
sa part de souffrance
les blessures mordent à nouveau
les ombres s’agglomèrent
se crispent dans les muscles
ankylosent les articulations
percent les os
traversent le regard
blessure de lumière
la première
son éclair d’ombre
encore
cisaille le corps
épouvante le regard
la chute reprise
et l’épaule derrière
les genoux
les pieds
brûlés de frottements
les mains
la joue au sol
le corps claque
la journée inscrite
dans les muscles
sous les pieds salis
par tant de traversées
*****
travailler
le geste
apprendre
répéter
le geste
repris
répété répété
le geste
encore et encore
le geste
à nouveau
repris
le geste
encore
toujours le même
effort
sueur
sueur encore
puis le geste
exact
puis la phrase
puis la danse
dans les corps
hors des corps
les corps posés sur la portée
entre ciel et terre-enfer
tels les portes du temps incorporé
les corps syncopés
corps-traits
coma
fondés sur leurs pieds de glaise
ancrés dans l’énergie
les corps au-dessus du sol
en ligne tendue
en courbes
nouvelle écriture de chair
de vent-trace
au vol d’un oiseau
sur l’espace libre
corps-lien passant du solide au fluide
dans l’intensité du geste
une légèreté libre-soumise
dans une masse-force éclairée
par cette matrice-musique
pour se reconnaître
se renaître corps-note
d’un nouveau solfège
dans une sculpture mouvante
sans cesse recommencée
rien ne restera du travail pesant
toute trace de charbon effacée
sur les corps en sueur
toute écriture faite
le geste joue la phrase
et danse
lumière
sur les tableaux de la chapelle
*****
Photographies Christine Rivel-Ruffin
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Par Daniel Rivel le 18 Mai 2017 à 22:09
Les salles du Groupe d'Art Contemporain d'Annonay accueillent du 6 mai au 4 juin 2017 la peinture de Nicolas Guiraud.
"Sa peinture s'inscrit dans une démarche de scrutateur de la vie, d'observateur du quotidien avec une acuité et une lucidité exceptionnelle sur la société dans le paysage urbain. S'il n'avait été peintre, je suis totalement convaincu qu'il eut été écrivain. Sans le moindre verbe, ses oeuvres disent, parlent, racontent et finalement dévoilent un récit, une histoire ou même une vision." Henri Marc
*****
vision-visage
exposition floue
soi-même à l'heure de l'incertain
le brouillard ou le doute
ce qui fut
est passé à autre chose
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ombre-homme
l'oeil du profond
sur l'étendue du désert
que seul nous arpentons
entre les chambranles
des personnes-pieux-figures
vibrantes de brumes
ourdissant un métier
qui tombe de nos mains
*****
nécessité du flou
pour un autoportrait à l'absence
le temps enfonce efface
jusqu'à l'ombre
sujet-regard
avec toujours le sens à définir
à trouver
sous les écorces
la transparence serait-elle
trompeuse
DANIEL RIVEL
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Photographie Christine Rivel-Ruffin
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Par Daniel Rivel le 8 Mai 2017 à 10:45
Rencontre à Vanosc (Ardèche) lors d'une soirée de l'association La Vanaude, avec le pianiste argentin Miguel Angel Estrella, fondateur de Musique Espérance. Nov 2013
Miguel Angel Estrella
homme au visage nié aux yeux aveuglés sous les bandeaux et le sac
homme au corps drapé de mépris dans la nudité des disparus
homme aux mains fragiles aux mains blessées de ne pouvoir courir sur les claviers
homme à l'esprit jeté dans les flammes de la torture
renaissant pour jaillir au jour de lumière sur les partitions de tes mondes
réhabilitant l'Homme tout entier malgré ses abandons ses soumissions ses démissions
homme à l'oreille attentive coutumière des paroles tendues entre les souffles
sans aucun murmure pour les soutenir
homme de parole lente et pleine porteuse du poème de ta terre des mots semés aux labours des récoltes dormant dans les caves des paysans jusque là empêchés et qu'une main libéra
homme de mémoire et de pardon de nouvel envol
refusant l'oubli et ses cendres jetées sur les braises qu'un prochain coup de vent attisera
le pardon n'efface pas le mal il le tient à distance pour retracer les chemins du possible
vigile tu nous rappelles à l'éveil
si l'homme s'endort l'horreur se redresse
homme qui ouvre l'homme de misère aux richesses qui l'habitent et aux richesses de l'autre par le souffle la musique et le verbe sur nos terres de sel et de pauvreté
Daniel Rivel
(photo Christine Rivel-Ruffin)
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